« Archaïsme animal dans l’art figuratif au XXIe siècle »
in Figures de l’art no 19 (L’archaïque contemporain), dir. Dominique Clévenot, Presses Universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, 2011 (p. 165-181).
Notre propos sur l’archaïsme animal dans l’art actuel s’inscrit dans une vaste réflexion contemporaine sur le statut, le rôle et les droits des bêtes dans un espace-temps devenu commun à toutes les espèces, et qui déborde la durée humaine vers le passé et vers le futur. Ce débat constitue un enjeu sociopolitique important, et il s’approprie notamment les notions d’humanimalité, de devenir animal ou de devenir post-humain, formulées dans les dernières décennies.
Nous voulons envisager ici l’archaïsme par rapport à la figuration fréquente de bêtes disparues, menacées ou méprisées car physiquement éloignées de nous (insectes, araignées, requin, céphalopodes, rhinocéros, etc). Il s’agit de comprendre, à partir de mes propres travaux plastiques, certains enjeux de ces représentations. L’archaïsme animal n’illustre ni une mythologie réactionnaire des paradis perdus ni un partage d’exotismes ; il ne nourrit pas davantage une nostalgie du culte des ancêtres et de l’état sauvage. Il se fonde sur une altérité plus inquiète, et il est identifié à partir de trois notions entrecroisées, qui sous-tendent des préoccupations éthiques, écologiques et biotechnologiques : celle de commencement(repérage des origines, définition de la singularité humaine), celle de disparition (finitude du vivant, menace d’extinction), et celle de survivance (durer ensemble). Face aux incertitudes du futur, leur antériorité confère actuellement aux animaux le pouvoir du sage ou celui du fou : ils nous entretiendraient du passé antédiluvien pour nous aider à ré-enchanter ou à rédimer le monde, à nous sortir d’impasses économiques et religieuses, ou encore à nous affranchir d’angoisses d’autodestruction. Les artistes actualisent ainsi les modèles de l’animal-miroir, de l’animal-ancêtre dans et de l’animal-machine pour commenter les affaires humaines dans un champ des métaphores diversifié.