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Karin Becker, Olivier Leplâtre. La brume et le brouillard dans la science, la littérature et les artsHermann, 2014.

Les nuées et le brouillard envahissent depuis longtemps nos représentations, et les techniques picturales, photographiques ou cinématographiques créent aujourd’hui encore des effets de confusion chez le spectateur et l’amènent à se confronter à l’opacité du visible. Mais la brume est aujourd’hui un opérateur plastique aussi bien dans les représentations bidimensionnelles que dans des installations où elle permet à un spectateur / acteur de faire l’expérience physique d’un lieu où les choses deviennent floues. Il s’agit d’analyser de manière croisée les enjeux contemporains de ces modes d’immersion (visuelle et/ou physique) du spectateur, dans les représentations brumeuses et dans des dispositifs plastiques à brouillard artificiel (Gerhard Richter, Olafur Eliasson, Ann-Veronica Janssens…). L’hypothèse est que le brouillard, qui place nos sens en alerte, permet aujourd’hui aux artistes de proposer au spectateur une perception altéritaire du monde ; cette dernière se fonde, paradoxalement, sur l’altération, dans une époque où le scintillement médiatique permanent finit par brouiller le sens des images évidentes et des signes injonctifs de tous ordres.

Dans les arts visuels, la brume oscille désormais entre sa reconnaissance comme « vapeur colorée » dans une image et sa mise en oeuvre comme matériau réel opacifiant dans des dispositifs tridimensionnels. J’envisage donc le brouillard comme puissance scénographique qui établit des transactions et des passages dans le visible selon une dialectique transparence/opacité. Comment faisons-nous aujourd’hui l’expérience d’espaces plastiques brumeux, entre net et flou, entre réel et fiction ? Qu’il s’agisse d’un voile qui altère les repères en profondeur dans une oeuvre bidimensionnelle, d’un brouillard artificiel qui nous désoriente dans l’espace d’exposition ou encore d’une brume en mouvement qui envahit le paysage dans un dispositif in situ, les artistes proposent au spectateur une expérience sensorielle sur l’émergence, la transformation et la disparition des formes ou des choses.