« Le dessin saturé »
in La Part de l’œil no 28 (Le dessin), Bruxelles, 2014


Le dessin est ici envisagé comme vecteur d’une expérience de l’œuvre à cette limite où l’excès devient trop-plein ; dans ce cas, la surface plastique ne reflète plus le bruissement du monde et ses rythmes saccadés ou trop rapides, mais elle signifie, au seuil de l’incompréhensible et du non-sens, une confusion mentale ou une crise du visible. Si le dessin permet en général à l’artiste de définir un projet ou de donner figure à des formes dans un espace plastique ouvert, c’est le risque de la fermeture par une trop importante densité de lignes qui détermine la saturation telle qu’elle s’entend ici. L’analyse de quelques œuvres très différentes de Ghada Amer, de Pierre Bismuth et de Julie Mehretu, définit comment l’entrelacs s’assimile parfois au gribouillage pour mettre en péril l’intelligibilité de l’image, et comment le désordre ainsi engendré aboutit à de nouvelles cohérences sémantiques… Autrement dit, ces démarches plastiques utilisent la quantité graphique pour générer l’œuvre au seuil de l’aporie, faisant de la cacophonie et de l’autodestruction leurs alliées pour produire de la métaphore du monde.