DANS le paysage // Galerie Art-Positions, Marseille // 2009


Dans indique la situation d’un individu ou d’une chose par rapport à ce qui la contient.
DANS est le titre de cette exposition de Dominique Castell et Jean Arnaud, exprimant leur relation au paysage et à l’animalité.

Pour Dominique Castell, dans c’est « être dans ». C’est une manière d’être.Photographier, dessiner comme se promener, c’est se laisser traverser, envahir même par l’extérieur, le milieu : la chaleur aride de l’été, la lumière aveuglante, la brûlure du soleil, le parfum presque écœurant  des immortelles asséchées, vrillent l’assise du paysage. Cette distorsion sensuelle, qui exacerbe les émotions, atteint ce « point d’ébullition » dont parle Bataille, « qui lie la sauvage destinée humaine au rayonnement, à l’explosion, à la flamme ». La chaleur, le feu, le soleil pour faire voler en éclat « un monde envoûté de stabilité ».Photographies et dessins sont donc tour à tour mus par des courants contraires, glissant de la stabilité à l’éclat. Photographies et dessins, épais, sombres (à force de supports transparents accumulés), encadrés, rangés, se décadrent, s’éclairent, s’allègent puis glissent et se répandent sur le mur. L’étagère du début, l’ordre, la mémoire profonde et le temps épais laissent peu à peu place, dans les œuvres de Dominique Castell, à l’accomplissement enlevé d’un maquis ardent, dessiné rouge vif.

On ne sait pas si les Paysages défaillants de Jean Arnaud représentent un vague site rendu au chaos après une catastrophe, s’il s’agit de tableaux brouillés par un liquide répandu accidentellement sur l’image, ou encore s’ils décrivent métaphoriquement une situation générale difficile. Ces tableaux ne présentent au premier regard que des flaques de couleur superposées ; c’est seulement quand on se perd entre les couches nuageuses que l’on identifie entre les plans des fragments d’animaux déformés ou de végétaux calcinés. Ces indices visuels d’un dépleuplement ou d’une agonie du vivant nous situent finalement DANS un paysage défiguré, et non plus FACE à n’importe quel écran médiatique déréglé. Les tableaux ne révèlent pas davantage des images cachées ou doubles ; ces paysages appauvris ne sont pas zoomorphes,  et les (dé)figurations animales résiduelles déterminent une métaphore de la disparition.

On retrouve des animaux déformés dans la suite de dessins L’accident. Ici, c’est la figure animale qui fait paysage tant elle s’étire et se perd, se métamorphosant sans raison stratégique apparente. La sauvagerie des bêtes représentées (rhinocéros, girafe, morse, gorille, etc.) est annihilée par la mollesse du trait et par la pixellisation volontaire des surfaces.

Ces dessins commentent une autre forme de disparition contemporaine : la surexposition médiatique crée de l’oubli, et l’intérêt grandissant que nous portons aujourd’hui au monde sauvage par écrans interposés est inversement proportionnel à l’accélération des disparitions d’espèces provoquées par l’homme. Ainsi, ces œuvres de Jean Arnaud, dans lesquelles le monde naturel est malmené et les animaux sauvages accidentés, s’inscrivent dans une réflexion actuelle plus large sur la relation entre humanité et animalité.

Les œuvres de Dominique Castell et de Jean Arnaud présentées ici pourraient être deux expressions symptomatiques de notre possible chute.

TEXTE CRITIQUE
Nathalie Boisson, Memoria Mundi