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Saturations domestiques // 2011


Les Saturations sont réalisées à partir de calques numériques translucides.
– Les séries Saturation (arbre tordu) —16 éléments—, et Saturation (Château d’If) —48 éléments—, superposent une image à elle-même en la traduisant de différentes manières avec des filtres infographiques ordinaires : net, flou, pixellisé. La transparence variable et la saturation plus ou moins dense donnent à chaque élément de la série un espace singulier.
– Chaque Saturation domestique est unique. Elle est composée des 50 premiers documents prélevés sur Google-images et correspondant à un mot un jour donné. Ils sont superposés en transparence et tous visibles simultanément.

Impression numérique sur papier mat ou aquarelle (81×60 cm maxi).

« Il y avait seulement trois semaines qu’il s’était découvert ce pouvoir. Un dimanche matin où il regardait d’un œil morne la télévision dans le séjour, le son coupé, il s’était soudain aperçu qu’il avait si complètement accepté et assimilé la forme matérielle du meuble en plastique qu’il n’arrivait plus à se rappeler sa fonction. Il lui avait fallu un effort mental considérable pour reprendre ses esprits et identifier à nouveau le téléviseur. Intéressé par ce phénomène, il avait expérimenté son pouvoir sur d’autres objets et découvert qu’il réussissait tout particulièrement avec ceux qui étaient surchargés d’associations, comme les machines à laver, les voitures et autres bien de consommation. Débarrassés de leur alluvions de slogans publicitaires et de leurs connotations de prestige, ils conservaient avec la réalité un lien si ténu qu’il n’avait pas grand mal a les oblitérer totalement.

L’effet était similaire à celui de la mescaline et d’autres hallucinogènes, sous l’influence desquels des creux dans un coussin deviennent aussi nets que des cratères lunaires, et les plis des rideaux des ondulations dans les vagues de l’éternité.

(…)

Satisfait d’avoir oblitéré le Village et le jardin, Faulkner commença à déconstruire la maison. Ici, les objets qui l’entouraient étaient plus familiers ; c’étaient des extensions de lui même intensément personnalisées. Il s’attaqua d’abord au mobilier de la véranda, transformant les fauteuils tubulaires et la table au plateau de verre en un trio de serpentins verts involutés, puis, tournant légèrement la tête, il choisit le téléviseur installé à sa droite dans le séjour. Il ne s’accrochait que mollement à son identité, et Faulkner n’eut aucun mal, en brouillant sa mise au point mentale, à réduire le coffret de plastique brun, veiné pour imiter le bois, à une tache amorphe et floue ».

J.G. Ballard, « L’homme saturé » (1961, trad. Alain Dorémieux ), Nouvelles complètes Volume 1 (1956-1962), Tristram, 2008 (pp.423-427).